Le chemin de Noon : errances » Claudel, Rodin et moi

13 juin 2008


Claudel, Rodin et moi

Je reviens de l’exposition Camille Claudel au musée Rodin et je suis bousculée par beaucoup d’émotions et de pensées.

Claudel d’abord.

J’ai découvert son existence, comme beaucoup de gens, à la sortie du film avec Adjani et Depardieu. Avant cela, c’était une artiste inconnue, mais dont la vie et l’Å“uvre ont été exhumées grâce à une de ses descendantes indirectes, Reine-Marie Paris.

J’ai tout de suite été fascinée par sa vie, sa personnalité, son destin tragique et hors du commun. J’ai gardé en mémoire l’image de certaines de ses Å“uvres majeures (la valse et l’implorante).

Mais c’est 25 ans plus tard que j’y reviens et que je m’y intéresse de plus près. J’ai lu pas mal de textes, de biographies, de correspondances, pour tenter de me faire une opinion sur elle, pour sortir des lieux communs. Et aujourd’hui, la vue de son Å“uvre vient clore cette démarche, non pas que je sois une experte (je n’ai pas cette prétention-là), mais je pense que mon opinion est maintenant complète.

Pour moi, Camille Claudel est une artiste talentueuse qui mérite qu’on s’attarde sur son Å“uvre, et surtout, elle n’a pas produit « du Rodin ». Certes, elle a été influencée par lui puisque leurs destins furent liés. Mais faut-il le regretter ? Elle aurait pu tomber plus mal.

Ses sculptures lui furent propre, elles portent sa marque. Les sentiments exprimés le sont toujours haut et fort que ce soit l’amour ou le désespoir. Il n’y a pas de demi-mesure chez elle. Ses relations aux autres étaient perturbées par ses troubles psychologiques, mais ce qu’elle dit à travers ses sculptures est juste et clairvoyant, et c’est bien elle qui parle et personne d’autre.

Rodin maintenant.

Je m’y suis intéressée récemment, pour mieux comprendre Claudel. J’ai eu un coup de foudre pour le bonhomme. C’était vraiment un séducteur et il le reste même après sa mort. Puis j’ai eu un choc en voyant ses sculptures. Devant certaines, je n’ai pu retenir mes larmes. Cet homme aimait profondément et sincèrement la vie et la nature humaine. Certes, son travail passait par-dessus tout le reste, mais peut-on vraiment lui en vouloir, au regard de ce qu’il a produit tout au long de sa vie ?

Toutes les Å“uvres qu’il nous a laissées sont une source inépuisable de contemplation. Il suffit de changer légèrement de place autour d’une statue et l’on découvre une nouvelle Å“uvre. Du dessin en volume, voilà l’effet que ça produit chez moi.

Je n’ai pas encore franchi le pas de dessiner certaines de ses Å“uvres sur le motif, mais je sais que je le ferai un jour et que j’en apprendrai beaucoup.

Claudel et Rodin enfin.

Difficile de se faire une idée exacte et objective de leur relation, mais qui le peut vraiment ?

Pour ma part, je crois que Rodin a aimé Camille, intensément, et toute sa vie, plus que toute autre femme car elle était capable de le comprendre, ils étaient « sur la même longueur d’onde ». Quand elle s’est éloigné de lui, il en a souffert et par la suite, il l’a soutenue par tous les moyens dont il disposait, sachant qu’à l’époque, les femmes artistes étaient assez mal considérées.

Je refuse la thèse selon laquelle il l’a exploitée autant qu’il a pu. Sa seule faiblesse, je crois, a été de ne pas essayer de la sauver de sa folie. Mais je suis convaincue qu’il ne se sentait pas assez solide pour ça et que Camille ne voulait pas être sauvée.

Quant à elle, je suis persuadée qu’elle était éprise de Rodin pour deux raisons : parce que Rodin l’aimait passionnément et qu’il est bien difficile pour une femme de ne pas succomber à tant d’amour de la part d’un homme ; mais aussi parce qu’il l’estimait en tant qu’artiste, et que ce fût une des rares personnes à la considérer ainsi.

Malheureusement, Camille était perturbée et ne pouvait partager son amour (exclusive, possessive, jalouse, il l’appelait sa féroce amie). Elle n’avait qu’une seule issue : quitter Rodin et sombrer dans la paranoïa.

En guise de conclusion, je cite cette lettre d’Eugène Blot à Camille Claudel :

« Un jour que Rodin me rendait visite, je l’ai vu soudain s’immobiliser devant ce portrait [il s’agit de l’implorante], le contempler, caresser doucement le métal et pleurer. Oui, pleurer. Comme un enfant. Voilà quinze ans qu’il est mort. En réalité, il n’aurai jamais aimé que vous, Camille, je puis le dire aujourd’hui. (…) Le temps remettra tout en place. »

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